Le web existe dans un état oxymorique où ce qu’il contient est permanent et volatile.

Son contenu - du texte, une image, une vidéo - peut être préservé virtuellement à jamais, d’un serveur à l’autre, d’une capture d’écran à la WaybackMachine. “Attention à ce que vous dites sur internet, ce sera en ligne pour toujours !”

Pourtant, des portions immenses du web sont englouties par le temps. Des milliers de sites répondent aux appels du vide par un message d’erreur : “ce nom est introuvable”, “le contenu que vous cherchez n’est plus disponible”, “avez-vous songé à rester à la page ?”.

On s’est lassé ; plus les moyens, ni le temps, ni l’envie, de s’en occuper ; oublié de renouveler le nom de domaine. Une mise à jour logicielle fatale complète le tableau. Dernier message : 12 mars 2008, 14h53.

Subsiste alors le souvenir nostalgique d’un web cristallisé, dont les moteurs de recherche gardent la mémoire pour encore quelques instants. Ci-git la trace.

Les forums hébergeant des communautés autrefois actives ne sont plus visités que par des robots désœuvrés. Les sujets vides résonnent de nos pas égarées, au détour de la troisième page des résultats d’un moteur de recherche. L’information est pourtant toujours là ; où sont donc passés les habitants ?

Derrière ses hauts murs modernes, Discord organise un monde inaccessible. Là où le web d’antan se désagrège à vue d’œil - falaise de sable face aux marées du temps - celui des jardins gardés ne laisse aucune chance à la seule mesure du phénomène. Foisonnent les messages, les idées, les échanges. Devraient-ils tous être gravés dans le marbre ? Non. Une partie gagnerait-elle à atteindre un semblant de permanence ? Assurément.